Chute historique du nombre de permis de construire en Ile-de-France
Effet des municipales et de la crise sanitaire, le nombre d’autorisations de nouveaux programmes immobiliers a baissé de 25,4% en un an. Le secteur du BTP en appelle aux maires: il faut valider les permis, sinon des milliers d’emplois sont menacés. Des chantiers qui ont quasiment tous repris, des promoteurs qui vendent, mais après ? « Il y a une chute drastique des autorisations de construire et ça ne reprend pas », relève Marc Gédoux, le patron de Pierre Etoile et vice-président des Promoteurs du Grand Paris. « L’offre se raréfie et nous allons atteindre des stocks historiquement bas. » Les professionnels du secteur tirent l’alarme : il faut valider les permis de construire, sans quoi c’est tout le secteur qui s’embourbera dans la crise.
L’Île-de-France est, la Corse mise à part, la région la plus touchée par la chute du nombre de logements neufs autorisés, bien qu’elle en ait le plus besoin. Sur les douze derniers mois, selon des chiffres publiés ce vendredi, 65 900 logements ont été autorisés. C’est 25,4 % de moins que les douze mois précédents. Jamais on avait validé aussi peu de permis depuis 2015. Et quand bien même la demande reste forte, on ne constate aucun effet de rattrapage : les permis sortent au ralenti.
Le tableau n’est pas plus beau au niveau national. Le nombre de logements autorisés sur douze mois est tombé, fin juillet, sous la barre des 400 000 pour atteindre le nombre de 394 100. « Les permis de construire n’ont pas été instruits pendant toute la durée du confinement, mais il faut maintenant que les communes se bougent », alerte Olivier Salleron, à la tête de la Fédération française du bâtiment (FFB).
Des élus qui traînent des pieds
La construction paie là, en plus de l’effet confinement qui a stoppé net l’instruction des permis, celui des élections municipales, à l’aube desquelles les élus rechignent à faire des travaux. « Les autorisations ont commencé à se réduire deux ans avant le scrutin, puis les élections ont tout gelé et ça s’est prolongé, notamment en Île-de-France, avec le report de trois mois du second tour », explique Marc Gédoux. « Confinement et élections municipales se sont téléscopés », confirme Thibault Dutreix, à la tête de Coffim.
L’installation des conseils municipaux n’y a rien changé. Plus encore là où l’équipe a été entièrement renouvelée. « L’autorisation de construire, pour un maire, c’est le pouvoir suprême et un acte politique très fort, analyse Thibault Dutreix. Les nouvelles aspirations écologiques pourraient rebattre les cartes : moins miser sur la densification, sur la bétonisation… » « Les changements de municipalités changent les pratiques, il y a des exigences différentes », relève Philippe Lauzeral, directeur général délégué de Stellium. Des petites choses qui, mises bout à bout, augmentent la durée d’instruction des permis.
Une demande qui reste pourtant forte
À la FFB du Grand Paris, on craint que cette inertie ne perdure encore quelques mois. « Il ne faudrait pas que les élections prévues en mars dans les conseils régionaux et départementaux, qui financent nombre de projets, imposent elles aussi un statu quo », prévient Philippe Servalli, son vice-président. Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée en charge du Logement, avait appelé mi-août les maires à « instruire plus vite » les permis de construire, mais sur le terrain rien n’a encore changé.
Le patron du Groupe Gambetta, Norbert Fanchon, lui, se rassure quant à la demande. « Elle est là et elle est forte », explique-t-il. Au second trimestre 2020, les annulations de réservations avaient bondi de 31,4 % par rapport à la même période l’an dernier. « Mais la demande est telle que dès que c’est annulé c’est repris », révèle Norbert Fanchon. Mais avec l’offre qui diminue, et une demande élevée, tous les professionnels s’attendent à une augmentation des prix du neuf.
«Si rien n’est fait, ce sont des dizaines de milliers de salariés qui se retrouveront en danger»
Des incertitudes continuent de semer le doute. « Si l’économie ne reprend pas, si de potentiels acquéreurs se retrouvent au chômage, alors il y aura un impact sur le neuf », expose François Marill, le cofondateur d’Unlatch, une entreprise spécialisée dans la vente en ligne de programmes neufs.
Pour Philippe Lauzeral, le durcissement des conditions de crédit par les banques pourrait être « le frein majeur » à la construction. Et alors que le dispositif Pinel arrive à échéance fin 2021, le secteur se retrouve dans l’expectative… « Nous avons besoin de visibilité », explique Philippe Lauzeral.
Le secteur attend le gouvernement au tournant, avec notamment son plan de relance qui doit être dévoilé jeudi 3 septembre. « Mais ça se jouera surtout du côté des maires », souligne un promoteur. Encore mercredi, Emmanuelle Wargon disait la nécessité que « les permis de construire repartent vite », précisant que le gouvernement « réfléchit » à « une aide financière aux maires » et à une « simplification administrative » pour les inciter à relancer la machine.
Olivier Salleron le rappelle: « Le sort de milliers d’entreprises est en jeu. Si rien n’est fait, ce sont des dizaines de milliers de salariés qui se retrouveront en danger. » Un promoteur résume la situation: « Si les maires ne délivrent pas de permis, ce sont des milliers d’emplois qui seront supprimés. »